La collection de peintures de Joseph-Georges Astor est en partie composée d’œuvres d’inspiration bretonne. Elle témoigne des relations d’estime et d’amitié qu’il entretint, tout comme son père, avec des artistes qui fréquentaient la région, comme Louis Désiré-Lucas, Charles Cottet, Maurice Denis, Auguste Goy.
Si plusieurs artistes avaient déjà commencé à peindre la Bretagne, l’arrivée du train à Quimper en 1863 a facilité l'accès à la Cornouaille et en a donc renforcé l'attrait.
Les toiles rassemblées dans le Grand Salon permettent de rappeler que Charles Cottet (1863-1925) a contribué à la célébrité de Camaret. (Les feux de Saint Jean, La Procession). Charles Cottet nait au Puy-en-Velay en 1863. Il étudie la peinture à l'atelier du peintre Diogène Maillart à Paris, puis à l'Académie Julian, école de peinture et de sculpture parisienne.
En 1886, il voyage pour la première fois en Bretagne ; après quelques années, il s'installe à Camaret où il partage la vie des pêcheurs qu'il accompagne volontiers dans les îles de Sein ou d'Ouessant. Il séjourne également à Belle-Ile-en-Mer et dans le Pays Bigouden. Il est fortement impressionné par la dure vie des pêcheurs et par la régularité des naufrages. Ainsi Charles Cottet réalise une série d'œuvres où on trouve retracées des scènes pittoresques et des Bretons endeuillés. Il peint également des scènes de la vie quotidienne. Par le côté souvent lugubre de ses toiles, Charles Cottet est associé au courant de la Bande Noire.
La critique invente l'expression de la Bande Noire pour désigner un groupe de peintres qui s'inspirent de Gustave Courbet et de la tradition classique, pour exprimer la mélancolie, la rigueur et le réalisme de la vie quotidienne. L'utilisation à plus de 75% de couleurs sombres sur leurs toiles leur confèrent un aspect lugubre.
La Bande Noire regroupe, en plus de Charles Cottet, des peintres comme Lucien Simon, Emile-René Ménard, André Dauchez, René-Xavier Prinet, et Edmond Aman-Jean. Ils représentent des scènes intimistes : des portraits, des scènes de vie quotidienne, ou des scènes religieuses.
La plus célèbre école de peinture, l’école de Pont-Aven, n’est pas directement représentée dans les collections Astor ; cependant, certaines toiles s’y rattachent : notamment Le Pardon de Notre-Dame de la Clarté et Daphnis et Chloé, de Maurice Denis (1870-1943).
Né à Granville en 1870, Maurice Denis fréquente dès 1888 l’Académie Jullian et l’École des Beaux-arts. Il expose pour la première fois au Salon des Indépendants en 1891, après avoir publié l’année précédente son article "Définition du néo-traditionalisme".
L’Œuvre de Maurice Denis trouve ses sources chez des artistes comme Paul Gauguin, Pierre Puvis-de-Chavannes, Paul Sérusier. À 23 ans, il épouse Marthe, rendue célèbre par la toile Les Muses (1893). C’est en 1898 que le peintre découvre Rome, Raphaël, et un art plus classique qui marque des œuvres comme Le monotone Verger (1898, Rijksmuseum, Kröller Muller, Otterlo).
Deux ans plus tard, il dit adieu aux Nabis, groupe auquel il s’est lié dès son entrée sur la scène artistique, avec son Hommage à Cézanne (1900, musée d’Orsay). Il tente par la suite de renouveler la peinture religieuse comme Gauguin avant lui, même s’il exprime dans ses toiles une universalité dépassant le thème sacré. Mais dès 1890, il s’est déjà tourné vers de plus ambitieux travaux décoratifs de peintures monumentales. Cette partie de son œuvre a comme point d’orgue la réalisation du décor de la coupole du théâtre des Champs-Elysées en 1910, organisé autour de l’histoire de la musique. En 1919, avec son ami Georges Desvallières, le peintre fonde les Ateliers d’Art Sacré afin de donner une nouvelle impulsion à la peinture religieuse. Il réalise des œuvres et des décors d’églises, comme sa Résurrection pour la basilique de Thonon-les-Bains en 1943. Mais ce travail de réhabilitation de la peinture sacrée a été condamné par un dominicain, le père Couturier, un temps camarade de Denis aux Ateliers, qui a privilégié un art plus contemporain (Fernand Léger, Robert Delaunay…).
Les Nabis - terme qui signifie "prophète" en hébreu - sont un regroupement d’artistes que l’on peut inscrire dans la lignée de l’école de Pont-Aven, qui fut créée, entre autre, par Paul Gauguin et Emile Bernard (Madeleine au Bois d’Amour, Maison au bord de mer). Le mouvement "nabi" a lui été créé et théorisé en grande partie par Paul Sérusier (1864-1927), qui a côtoyé Gauguin en Bretagne en 1888 et a même peint sous sa direction. Sa toile de la même année, Paysage au Bois d’Amour, connue aussi sous le nom du Talisman, à tout de suite été considérée comme l’exemple même d’une esthétique pure et nouvelle, servant ainsi de manifeste pictural aux futurs Nabis. Le groupe se formera en 1889, après une exposition de Paul Gauguin et de ses amis de Pont-Aven (à l’Exposition Universelle). Les peintres qui adhèrent alors à ce nouveau courant sont Maurice Denis, Pierre Bonnard, Félix Vallotton, Paul Ranson… Deux tendances se font très vite sentir au sein du groupe ; tout d’abord les peintres sacrés comme Sérusier, Denis et Ranson, et les Nabis profanes avec Bonnard ou Vallotton. Les premiers sont des lecteurs attentifs des auteurs ésotéristes, qui vont porter l’idée de révélation, avec une riche peinture religieuse, là où les seconds s’intéressent à des sujets plus modernes et plus intimes. C’est en 1890 que Maurice Denis va énoncer les grands principes du mouvement, alors qu’il n’a que 20 ans. Le mot d’ordre du groupe devient alors :
se rappeler qu’un tableau avant d’être un cheval, une femme nue ou une anecdote quelconque, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées.
Les Nabis vont opter pour une nouvelle forme de peinture basée sur des agencements formels, régis par la couleur et des choix de compositions audacieux. L’influence grandissante du japonisme se traduit dans leur peinture par le cadrage arbitraire et novateur, par une remise en cause de la perspective traditionnelle. Les Nabis, comme le fera Maurice Denis par la suite, vont privilégier l’aspect décoratif de la peinture en procédant à une réelle purification des moyens picturaux; l’art doit être présent partout, si bien qu’ils vont s’intéresser à tous les supports possibles, aussi bien les affiches, que les costumes et décors de théâtre, ou les livres. Ils vont réellement mettre en place le processus d’abolition de la traditionnelle hiérarchie des arts en s’adonnant à la fois à la peinture, à la broderie ou à la sculpture par exemple.
Les Nabis exposeront à partir de 1891, mais durant la seconde moitié des années 90, des différents vont faire surface, poussant le groupe à finalement se dissoudre. Cela n’empêchera pas ces artistes de rester liés par une profonde amitié. Les Nabis eurent une importance considérable dans le renouvellement des arts appliqués à l’aube du XXe siècle. Très influencé par Gauguin, comme en témoignent les couleurs des toiles, il a fondé avec Paul Sérusier le groupe des Nabis (prophète en hébreu) et en devint le théoricien. Très religieux, les Nabis venaient en Bretagne à seule fin de peindre des pardons et des processions.
Le Manoir de Kerazan , notamment dans la salle de billard, accueille également une importante collection d’œuvres d’Auguste Goy (1812-1875). Né à Melun en 1812, Auguste Goy entra au printemps 1834 dans l’atelier du peintre Ingres. Malheureusement, le maître devait partir pour Rome en décembre. On rapporte qu’il proposa à son élève de le suivre mais Goy, dont les ressources étaient insuffisantes, dut rester à Paris. Le jeune homme ne fut donc l’élève du peintre que quelques mois. Sans avoir suivi le cursus initial, il se lança dans la vie professionnelle. Il devint portraitiste à Paris, et illustra un livre sur la Creuse. Il s’installa ensuite en Angleterre, où il vécut de la vente de ses œuvres jusqu’en 1845. Pour une raison que l’on ignore, Auguste Goy se fixa à Quimper en 1847 et à partir de 1861, devint professeur de dessin au collège. Jusqu’à sa mort en 1875, il vécut isolé dans sa région d’adoption, sans jamais se mêler aux expositions parisiennes. La bourgeoisie locale lui commandait des portraits. Il a surtout peint et dessiné des paysages des alentours de Quimper, qu’il fut un des premiers à découvrir, jusqu’au pays bigouden. Quelques scènes de genre dans des intérieurs de cafés ou de maisons, nous font découvrir la vie quotidienne en Cornouaille au milieu du siècle dernier. Avec humour, il caricatura ses collègues enseignants et les gens de la campagne croisés dans les rues de Quimper. Il a peint également des portraits de paysans portant le costume traditionnel. Il a multiplié les études et esquisses pour des compositions plus ambitieuses comme Le Veuf Débauché ou Le retour de la guerre de Crimée, qui n’ont, semble-t-il, jamais été réalisées. Auguste Goy, qui s’est totalement enraciné dans son pays d’adoption, n’a jamais succombé à la mièvrerie des scènes pittoresques pourtant à la mode à l’époque. Il a tenté, suivant une démarche peu commune dans les années 1850-1860, de traduire avec réalisme la vie de ceux qu’il côtoyait.
À ce groupe de peintures contemporaines, s’ajoute un fonds plus ancien où l’on trouve différentes œuvres des écoles française, hollandaise, allemande et italienne, notamment de l’école de Fontainebleau, que l’on trouve en particulier dans le Fumoir.