Une autre grande tradition artistique bretonne a trouvé place au manoir de Kerazan : la faïence de Quimper.
Le manoir possède une collection tout à fait exceptionnelle provenant de l’ancienne manufacture Porquier. Elle rassemble des pièces uniques d’un des maîtres en cet art : Alfred Beau.
Alfred Beau (1829-1907), originaire de Morlaix, apprend la peinture avant de devenir photographe. Sans doute influencé par le céramiste Michel Bouquet et par le regain d’intérêt pour la céramique sous le Second Empire ; il devient à partir des années 1870 "peintre de tableaux sur faïence" et expose différents types d’œuvres : des portraits historiques, des paysages de Cornouaille, des scènes de genre, des plats dans le goût italien ou des décors floraux.
À cette époque, il est engagé par la veuve du faïencier quimpérois Adolphe Porquier comme directeur artistique de cette faïencerie. Il crée des modèles, copiant en particulier les scènes de genre pittoresques que l’on voit dans la peinture académique.
La Bretagne est alors en vogue et les peintres multiplient les évocations de pardons, de mariages et de marchés où se remarquent de superbes costumes populaires. Alfred Beau élabore également selon le goût de l’époque des "scènes botaniques". Il forme les "peinteuses" à la nouvelle technique qu’il préconise, proche de l’art de peindre. Il pousse l’illusionnisme jusqu’à créer des instruments de musique en faïence. Le succès est au rendez-vous.
Il est en particulier l’auteur d’un violoncelle fameux par son ampleur (il mesure 1,20 m), par son décor délicat et par la prouesse technique qu’il représente. Son chef-d’œuvre, qui nécessita dix-sept essais, n’a jamais porté de cordes et n’a jamais été utilisé comme instrument de musique. Alfred Beau présente ses réalisations aux salons parisiens et aux expositions universelles, en particulier celle de 1878 à Paris où il obtient une médaille d’argent pour son violoncelle. C’était là la juste récompense d’un artiste au talent exceptionnel. C’est une œuvre unique au monde.
Les autres faïenciers de Quimper l’imitent rapidement et n’ont jamais cessé de reproduire les décors qu’il a inventés.
À partir de 1880, Alfred Beau est également directeur du musée des Beaux-Arts de Quimper. En quelques années, avec le maire Joseph Astor, il multiplie les acquisitions d’œuvres inspirées par l’histoire, les légendes, la piété et la vie quotidienne de la Cornouaille. Dans une salle du musée il crée un étonnant diaporama de quarante-quatre mannequins portant de costumes populaires, La Noce bretonnne sortant du porche reconstitué d’une chapelle.
Plus de trente faïences, la plupart des pièces uniques d’Alfred Beau, sont conservées à Kerazan : des plaques lourdement bordées de cadres noirs représentant des paysages ou des portraits historiques, des plats décorés d’une Adoration des mages, d’un pardon breton ou d’une scène de mendiants, des faïences portant le décor "botanique" et un superbe plat dont l’ornementation est influencée par le japonisme, entourent le célèbre et exceptionnel violoncelle au sein de cette collection particulièrement intéressante qui n’a pas d’équivalent en Bretagne.